Depuis la réunion du vendredi 9 décembre en Préfecture, nous sommes nombreux à hésiter entre colères et déceptions. Les mesures proposées par Monsieur le Préfet de la Haute-Savoie ne répondent pas suffisamment aux enjeux de la crise sanitaire que nous connaissons. L’inquiétude, la peur sont de mauvaises conseillères et nous élus, responsables administratifs, porteurs de l’autorité publique ne pourrons pas dire que nous n’avons pas vu monter la révolte des habitants du Pays du Mont Blanc.
Tous, nous n’avons pas fait le choix de vivre et de travailler ici, de voir nos enfants grandir et de donner à nos aînés la possibilité de rester ici pour subir passivement ce sentiment d’asphyxie et d’empoisonnement. Nous avons peur d’une radicalisation qui mettrait à mal notre cohésion autant que notre économie touristique est en danger ; mais nous ne croyons pas que cette situation soit inéluctable.
La vallée de Chamonix a fait le choix de s’engager depuis plusieurs années vers un système plus durable tout en ne remettant pas en cause ses fondamentaux et en maintenant son attractivité.
C’est donc possible ; mais cela sera-t-il suffisant ? Il faudra sans doute aller encore plus loin dans l’innovation et l’adaptation, repenser progressivement notre économie de montagne dans les années à venir. Pour autant, collectivités, entreprises, associations, citoyens, nous devons dès à présent faire preuve de volontarisme et de responsabilité. Aujourd’hui nous devons répondre à l’urgence de cette pollution. Pour cela, nous devons obtenir ou mettre en place les mesures suivantes :
1) Information : Nous devons connaître la situation réelle de cette pollution, commune par commune. Pour cela ATMO (observatoire de la qualité de l’air) Auvergne-Rhône-Alpes doit pouvoir nous fournir le détail des origines des PM (particules en suspension) et des NOx (oxydes d’azote) ; ces données doivent être encore plus transparentes. Nous devons également savoir officiellement s’il y a d’autres substances polluantes en quantités anormales. Aujourd’hui des informations extrêmement inquiétantes circulent sur les réseaux sociaux : elles doivent être infirmées ou confirmées par ATMO mais aussi par les services sanitaires. Il est de notre responsabilité de donner aux habitants de la Haute-vallée de l’Arve un minimum de clarté et de sécurité concernant des informations qui doivent être issues d’une source officielle indépendante.
2) Le cumul de plusieurs sources de pollutions pourrait également être une des raisons de tels niveaux de pollution, comme mise « sous cloche » par le phénomène climatique spécifique à notre vallée. Il est donc urgent d’arrêter certaines sources de pollution et de favoriser une réduction générale des émissions polluantes (et pas uniquement des particules fines ciblées) tant que les conditions climatiques ne permettent pas à l’air pollué de s’évacuer.
2) a. Transports publics gratuits et renforcés : si les transports locaux des entreprises doivent se faire par alternance comme le souhaite le Préfet, ils peuvent aussi se faire collectivement. Si les habitants doivent éviter de prendre leur voiture, des transports publics gratuits de renfort doivent être mis en place pour la durée de l’épisode de pollution. Cette décision de la compétence des autorités organisatrices de transport nécessite sans doute un peu de souplesse temporaire pour répondre à l’urgence. Il convient d’étudier rapidement la mise en place d’un service de transports publics entre communautés de communes et les conditions de sa gratuité en période de pics de pollution. Il est choquant pour les habitants d’entendre que parce qu’ils vivent « en bas » mais travaillent « en haut », leurs communes ne veulent pas participer à l’amélioration d’une ligne ferroviaire ; il est urgent que notre territoire élargi travaille sur un véritable transport en commun au-delà des périmètres administratifs des communautés de communes et des communes.
2) b. Chauffage : Les mesures relatives au chauffage au bois sont ciblées et nous ne répondrons pas immédiatement aux enjeux d’urgence à l’exception de quelques chaufferies professionnelles. Mais un plan de soutien aux énergies renouvelables et à la rénovation énergétique doit être développé avec des moyens plus souples, plus accessibles et plus efficaces dans le cadre du PPA (plan de protection de l’atmosphère) 2. Nous devons continuer et accentuer notre soutien aux sources d’énergies renouvelables pour les particuliers et les collectivités C’est indispensable et doit être engagé d’ici à l’hiver prochain.
2) c. L’incinérateur du SITOM (Syndicat Intercommunal de Traitement des Ordures Ménagères) des Vallées du Mont-Blanc, l’usine SGL Carbon et Chedde : les industriels doivent être encore plus transparents et informer de façon plus régulière de toutes leurs émissions polluantes. Leurs progrès reconnus nous interrogent sur la sensibilité de leurs activités et sur l’histoire de leur implantation ; leurs localisations doivent aussi être interrogées. Dans ce sens, et plus globalement, des solutions alternatives de gestion des déchets doivent être étudiées. La présence d’une telle usine de carbone à cet endroit-là est-elle encore acceptable ? Enfin, le quartier de Chedde nécessite une intervention massive pour accompagner sa reconversion, sa modernisation et sa transition énergétique autant qu’économique et sociale.
2) d. Fret international : Il est nécessaire de rappeler que le Traité Européen permet d’interrompre la libre circulation des marchandises pour des raisons relatives à la protection de la santé publique, à l’ordre public et à la sécurité publique. Par ailleurs, la jurisprudence de la CJCE (cour de justice des communautés européennes) confirme que l’atteinte à l’environnement est également une cause d’arrêt de cette même libre circulation des marchandises. Pour ces raisons, il est possible de renvoyer vers le rail ce fret international du Mont Blanc sur la ligne Aiton-Orbassano ou vers les tunnels ferroviaires suisses. La gouvernance de l’Arc alpin est ainsi suffisamment structurée sur ces sujets pour pouvoir convoquer d’urgence une réunion du groupe de Zurich (groupe de travail des ministères des États alpins dédié à la question des transports transalpins) ou des groupes de travail de la Convention Alpine ou de la stratégie macro-régionale pour les Alpes (SUERA) qui sont compétents pour partager une analyse et proposer une telle décision. Il n’est pas trop tard pour interdire temporairement le transit international des camions au tunnel du Mont-Blanc. De façon permanente, les poids-lourds jusqu’à Euro 4 doivent être interdits de façon permanente sous le TMB (tunnel du Mont-Blanc) ou, du moins être l’objet, d’une sur-tarification décourageante comme le permet la Directive européenne Euro vignette.
3) SCOT : Nous devons enfin agir plus collectivement sur un périmètre pertinent ; nous ne pouvons attendre que d’autres à des échelons « supérieurs » prennent en compte nos problèmes. Le manque de concertation et de projets de territoires est une cause évidente de notre « sur-pollution ».
Le SCOT rassemblant les 4 communautés de communes (CC) du Mont Blanc, de l’Arve et du Giffre (CC Cluses Arve et Montagnes (CAM), CC Montagne du Giffre (MG), CC Pays du Mont-Blanc (PMB), CC Vallée de Chamonix Mont-Blanc (VCMB)) est sans doute le bon échelon pour coordonner nos actions, échanger nos solutions et développer une ingénierie qui permet de répondre aux grands enjeux de notre territoire. La qualité de l’air en est évidement un et doit avoir notamment des répercussions en matière de coordination du transport et de l’accessibilité.
Cette question de la qualité de l’air ne doit pas nous mobiliser uniquement en période de pic de pollution mais bien tout au long de l’année ; elle doit être la colonne vertébrale de nos actions politiques dans les années à venir.